Le processus d’individuation selon Jung

Pour Jung, la psyché est composée de plusieurs éléments archétypaux.

La Persona

À l’origine, la Persona est le masque porté par les acteurs du théâtre antique. La Persona correspond au masque qui nous permet de tenir notre rôle social. Elle est faite de normes et de règles de comportements à suivre. Elle nous permet de nous intégrer socialement en étant conformes à ce qu’on attend de nous. Pour bien fonctionner socialement, l’individu a tendance à s’identifier à ses diplômes, sa profession ou à son statut marital, par exemple.
Au cours du processus d’individuation, la Persona se révèle et doit disparaître au profit du Moi, étape importante permettant de cheminer vers le Soi.

Le Moi

Le Moi : Le Moi est la partie consciente de la psyché qui nous permet de dire « je » et d’exister en tant que sujet. Le Moi nait de la conscience de nous-mêmes, conscience qui est limitée, imparfaite et soumise а des déterminismes. Par conséquent, il correspond à l’individu que nous croyons être. Le Moi a aussi pour fonction de résoudre les conflits entre le monde extérieur et l’inconscient. La connexion au Moi est le préalable pour une découverte du Soi. Ainsi, le degré de développement du Soi, qu’il faut considérer comme une sorte de guide intérieur, dépend de la bonne volonté du Moi à en écouter les messages.

L’Ombre 

A l’opposé de la Persona, l’Ombre comprend toutes les facettes de la personnalité qui ont été réprimées ou rejetées pour correspondre au modèle social. Par exemple, une personne dotée de qualités artistiques dépréciées par son entourage ne les cultivera pas et elles demeureront cachées dans son Ombre. Ces autres facettes ignorées, méprisées ou reléguées à l’arrière-plan finissent, tôt ou tard, par réclamer le droit d’exister. La crise du milieu de vie est bien souvent la revendication de l’Ombre à vouloir enfin s’exprimer. Pris dans cette tension des opposés, le Moi doit lâcher la Persona, apprivoiser son Ombre et réconcilier les contraires pour trouver une voie d’intégration de l’Ombre. Sinon, la personne risque de rester écartelée, de faire un « burnout » ou une dépression. Percevoir son Ombre, c’est identifier ce que nous estimons être des défauts (l’égoïsme, l’avarice, la lâcheté, l’indifférence, le manque de compassion, le mensonge, etc.). Intégrer ces aspects déplaisants de nous-mêmes n’est pas la partie la plus agréable du processus d’individuation, mais elle est nécessaire pour éviter de projeter notre Ombre sur les autres en les accusant de défauts qui, au fond, nous appartiennent.

Le Soi 

Le Soi désigne toutes les parties qui constituent le psychisme et qui fondent l’identité, il englobe le conscient et l’inconscient. C’est la totalité des possibles, la source des talents, l’instinct qui anime l’individu. Il est une sorte d’idéal à atteindre donnant du sens au chemin parcouru. En tant que totalité, le Soi est nécessairement paradoxal : toute qualité qui lui est attribuée s’y voit accompagnée de son opposé. Le Soi est la part de notre psyché qui initie et guide le Moi. Le Soi ne s’oppose pas au Moi mais il l’englobe. L’expérience du Soi est presque toujours associée à un sentiment d’intemporalité, d’éternité ou d’immortalité. Comme l’avance Jung, notre totalité psychique s’étend bien au-delà des limites de l’espace et du temps. Infinie ou éternelle, elle rejoint le plein ou le vide. Au moment où l’homme actualise son individuation, il atteint l’universel. Proche de l’état de complétude, il se sent relié au cosmos.

L’individuation, un processus en 5 étapes

Selon Jung, le processus d’individuation consiste à permettre à tous les éléments de l’Être (Persona, Moi, Ombre) d’exister individuellement à l’intérieur du Soi. L’individuation est une quête solitaire caractéristique de la seconde moitié de la vie : quand l’homme a établi sa place dans le monde, une nouvelle exigence peut émerger, celle d’être vraiment lui-même et en congruence dans tous les aspects de sa vie (amicale, amoureuse, professionnelle, etc.). Une fois enclenché, le processus d’individuation ne s’arrête plus, bien qu’il ne soit jamais acquis définitivement. Cette évolution se vit à travers une succession d’épreuves, de passages, de transformations, de confrontations du conscient avec l’inconscient.

1. L’adaptation : Elle correspond à l’enfance et aux premiers temps de la vie d’adulte, lorsque nous apprenons à obtenir une sécurité affective en réglant nos comportements en fonction de ce qui est attendu de nous. Nous nous identifions à la Persona pour exister. Une partie de nous est niée, refoulée dans notre inconscient.

2. La prise de conscience : Vers le milieu de vie, une insatisfaction commence à poindre. Nous sentons les limites du personnage que nous avons construit. S’enclenche alors la phase de prise de conscience. Nous avons le sentiment de nous être perdus en route, d’être dans l’imposture. L’Ombre que nous n’avons pas encore choisi d’intégrer et qui sommeille se rappelle à nous par vagues de nostalgie et d’anxiété. Les facteurs extérieurs qui déclenchent cette prise de conscience sont multiples, personnels ou professionnels, mais le vecteur principal est toujours en lien avec le sens et la valeur des choses.

3. Le face-à-face : Nous commençons à réévaluer les fondements de notre existence, jusqu’à tout remettre en question. Nous vivons une colère et une tristesse qui s’apparente à un deuil : nous croyons pleurer notre jeunesse, en réalité nous pleurons le personnage que nous avons été. Celui-ci se fissure et laisse émerger le refoulé. Côté lumière, nos vraies aspirations émergent. Cette prise de conscience enclenche une phase de remise en question et de renoncements. C’est une étape délicate dans la mesure où il nous faut assumer la perte de ce à quoi nous nous sommes identifiés pour exister pendant toutes ces années.

4. L’intégration : L’incertitude et la confusion perdent du terrain. C’est le début de la réconciliation, de l’intégration des opposés. Les aspirations de l’enfant peuvent être entendues. La Persona et le Soi commencent à communiquer. La quête d’approbation cède le pas au désir de ne plus se mentir, ni de se trahir. C’est le moment où nous choisissons de réorganiser nos priorités, notre projet de vie en accord avec nos valeurs et de trouver le moyen d’exprimer nos potentiels. Ces transformations positives s’accompagnent souvent d’un réajustement de nos relations. 

5. L’individuation, le temps de la réalisation de Soi : C’est après avoir traversé ces quatre phases avec succès que le retour à l’équilibre est possible. En accueillant avec plus de tolérance et de bienveillance nos défauts, nos désirs contradictoires et nos conflits intérieurs, nous accédons à la sensation d’être un individu complet, doté d’une meilleure connaissance de Soi, tout en nous percevant membre de la communauté humaine, relié au vivant et à l’ensemble de l’univers.